COMMENT AIDER SON ENFANT À GÉRER SES ÉMOTIONS : Une approche bienveillante et spirituelle

 

Accueillir une émotion, ce n'est pas l'encourager, c'est un espace sécurisé  pour qu'elle s'exprime et se transforme. 

Les enfants vivent leurs émotions avec une intensité qui peut parfois nous dérouter. Une crise de colère, une peur soudaine, une jalousie entre frères et sœurs… En tant que parents, on se sent souvent démunis face à ces réactions, partagées entre le désir de les apaiser et celui de les « corriger ».

Mais si on prenait un instant pour regarder ces émotions à travers le prisme de notre foi ? L'islam, loin d'ignorer la dimension émotionnelle de l'être humain, nous invite au contraire à l'accompagner avec douceur, rahma (miséricorde) et hikma (sagesse). Et si nos enfants, dans leurs tempêtes intérieures, étaient en réalité en train de nous tendre la main pour grandir ensemble , eux et nous, vers Allah ?

1. Accueillir les émotions : une éducation du cœur

Avant d'éduquer le comportement, il est essentiel d'accueillir ce qui se vit à l'intérieur. Un enfant en colère, jaloux ou triste a d'abord besoin d'être entendu. L'islam ne nie pas les émotions : le Prophète Muhammad (sws) lui-même a pleuré, ressenti de la tristesse, de la peur ou de la colère mais il les a toujours vécues avec justesse et maîtrise.

Et il est important de se rappeler une chose essentielle : le cerveau des enfants est encore en construction. Selon les neurosciences, le cortex préfrontal – la partie du cerveau qui gère les émotions, les impulsions et le raisonnement – ​​ne parvient à maturité qu'aux alentours de 25 ans. En d'autres termes, ils ne sont pas encore outillés pour gérer seuls ce qu'ils ressentent, et encore moins pour le verbaliser. Cela demande du temps, de l'accompagnement, et surtout beaucoup de patience.

Quand un enfant pleure ou se met en colère, on peut simplement dire :

  • Je vois que tu es en colère.
  • Tu as peur ? Tu veux que je t'explique ?

Ce simple fait de nommer l'émotion la rend plus gérable. Et c'est en étant reconnus dans leurs émotions que les enfants apprennent à les traverser.

Le Prophète (sws) disait lors de la mort de son fils Ibrahim :

"Les yeux pleurent, le cœur est triste, mais nous ne disons que ce qui a satisfait notre Seigneur. Ô Ibrahim, nous sommes certes affligés par ta séparation." (Rapporté par Al-Bukhari et Muslim)

Un bel exemple d'émotion accueillie avec foi et retenue.

2. La colère : légitime mais encadrée

La colère est une émotion naturelle. Elle n'est pas mauvaise en soi, mais elle peut devenir dangereuse si elle n'est pas canalisée. Le Prophète (sws) a donné à ses compagnons un conseil simple mais puissant :

Un homme a demandé au Prophète (sws) : « Conseille-moi ». Il a dit : « Ne te mets pas en colère. » Il a répété la question plusieurs fois, et le Prophète a répété : « Ne te mets pas en colère. » (Boukhari)

Avec les enfants, au lieu de dire « Ne sois pas en colère », on peut les aider à exprimer leur colère sans violence : crier dans un coussin, dessiner ce qu'ils ressentent, ou aller dans un coin cocooning et calme. 

Et pourquoi ne pas leur apprendre dès le plus jeune âge les gestes recommandés par notre Prophète (sws) pour apaiser la colère ?

  • S'asseoir s'ils sont debout
  • Faire les ablutions
  • Dire : A'oudhou billahi mina shaytân ir-rajîm (Je cherche refuge auprès d'Allah contre Satan le maudit)

On peut créer une petite routine « apaisement » à faire ensemble, pour que cela devienne un réflexe spirituel autant qu'émotionnel.

Avec le temps, en tant que parent, on apprend à repérer les déclencheurs spécifiques de son enfant : fatigue, frustration, besoin d'attention, faim, surstimulation… À force d'observer et d'être à l'écoute, on développe une sorte d'intuition éducative qui nous permet parfois d'anticiper certaines colères avant qu'elles n'éclatent.

Mais dans le tourbillon du quotidien  entre le travail, les obligations, les repas, les voyages, et les journées qui filent à toute vitesse  il est facile de passer à côté des signaux précoces. On ne remarque pas toujours cette petite crispation, ce silence inhabituel, ce regard qui cherche notre attention… Et l'émotion finit par exploser d'un coup, sans qu'on ait vu venir.

C'est pour cela qu'il est important de ralentir parfois, même quelques minutes, pour se reconnecter à son enfant, observer, écouter, être présent. Ce simple retour à la présence peut désamorcer bien des tempêtes… et parfois, permettre de repérer des signaux plus profonds qui, s'ils sont ignorés, peuvent s'enraciner dans le mal-être ou l'incompréhension.

Et ce n'est pas grave si l'on passe à côté parfois : l'éducation, c'est aussi fait d'imperfections et de réajustements constants, avec beaucoup de Rahma envers soi-même. Mais chaque petit effort de présence compte, et peut faire une vraie différence.

3. La peur : rassurer par la foi

Les enfants vivent mille peurs : peur du noir, des cauchemars, de l'abandon, des bruits… En islam, la peur n'est pas minimisée : elle est entendue, mais aussi transmise vers quelque chose de plus grand que soi la confiance en Allah .

"Et place ta confiance en Allah. Allah aime ceux qui placent leur confiance en Lui"

(Sorate Al 'Imrân, verset 159)

On peut leur enseigner dès les petits des rituels du soir :

  • Dire Bismillah ( au nom d'Allah, au nom de Dieu) avant de dormir
  • Écouter les 3 dernières sourates (Al-Ikhlas, Al-Falaq, An-Nas)
  • Apprendre la dou'a avant de dormir : Bismika Allahumma ahya wa amût ( Ô Allāh ! C'est en Ton nom que je vis et que je meurs)

On peut aussi raconter que les anges les protègent, que chaque nuit Allah veille sur eux. Cela les aide à poser leur confiance sur quelque chose de solide et bienveillant.

4. La jalousie : une émotion souvent mal comprise

La jalousie est naturelle, surtout entre frères et sœurs. Elle ne signifie pas que l'enfant est  « mauvais » : c'est souvent un appel déguisé à l'amour ou à l'attention.

Dans l'histoire du Prophète Youssouf (as), ses frères l'envient au point de vouloir l'éloigner de leur père. Une émotion mal comprise peut mener à des actes graves. Mais cette histoire nous montre aussi que la patience, la foi et le pardon peuvent réparer bien des blessures.

Avec nos enfants, on peut :

  • Valider ce qu'ils ressentent : Tu aurais aimé que je passe plus de temps avec toi ?
  • Les rassurer sur leur place unique : Allah t'a créé avec des qualités qui n'appartiennent qu'à toi. 
  • Encourager la gratitude : pourquoi ne pas créer ensemble un petit « journal des mercis » avec des dessins ou photos ?

5. Des outils concrets à mettre en place

  • Une boîte à émotions : avec des cartes ou dessins représentant des émotions, et des invocations ou sourates associées.
  • Un coin calme : un petit espace dans la maison avec des coussins, une lampe douce, des livres sur les prophètes ou les sentiments, un Coran audio en fond…
  • Des histoires de nos prophètes : raconter les émotions vécues par les prophètes (la peur de Moïse, la tristesse de Ya'qoub, la patience de Youssouf…).

Conclusion : accompagner avec Rahma

Nos enfants sont des cœurs en construction. Ils apprennent à ressentir, à comprendre, à nommer… Et nous, en tant que parents, nous sommes leurs guides dans ce voyage.

L'islam nous donne les clés pour les accompagner avec douceur et foi. Accueillir une émotion, ce n'est pas l'encourager, c'est offrir un espace sécurisé pour qu'elle s'exprime et se transforme.

Et si, au fond, chaque émotion était une opportunité de rapprocher nos enfants d'Allah, et nous de notre mission de parent bienveillant ?

À noter : selon les découvertes en neurosciences, le cerveau de l'enfant  notamment le cortex préfrontal, qui joue un rôle clé dans la régulation des émotions continue de se développer jusqu'à environ 25 ans. Cela explique pourquoi les enfants réagissent souvent avec intensité, sans recul ni maîtrise. Ils ont besoin de l'adulte comme "co-régulateur" pour apprendre à nommer, comprendre et traverser leurs émotions.

SelmaCrea

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